Quelle est votre analyse de la dernière crise ?
Angel Gurría : Vous parlez de la dernière crise, mais nous ne sommes pas sortis en réalité de celle qui a commencé il y a cinq ans avec les subprimes et qui s’est étendue ensuite aux marchés, puis à l’économie, avec ses conséquences sur la croissance et sur le chômage, en particulier le chômage des jeunes, qui est une tragédie. La responsabilité de cette crise, que personne ou presque n’avait vu venir, est collective.
Et elle a au moins une conséquence positive : c’est d’inciter tout le monde à la sagesse. Elle incite les États à être très attentifs à leurs finances publiques, les régulateurs à prendre leur rôle très au sérieux, les acteurs privés à moins s’endetter. Quant aux banques, même si elles ont été prises commodément pour cible, chacun sait aujourd’hui que, sans elles, aucune relance n’est possible. Nous avons besoin de drainer les flux d’épargne vers le monde économique, c’est une fonction très spécifique et d’une importance capitale, et nous avons besoin pour cela d’un système bancaire stable et efficace. La crise a mis en lumière en particulier l’importance de la liquidité pour irriguer le système – ce qui a conduit la Banque centrale européenne à prêter 1 000 milliards d’euros aux banques en deux mois ! Au bout du compte, la leçon de la crise a coûté très cher, mais nous avons beaucoup appris, collectivement.
Frédéric Oudéa : Nous vivons effectivement une crise continue depuis cinq ans, et la secousse de l’été 2011 n’était qu’une réplique d’un même tremblement de terre. Je partage à la fois la lucidité et l’optimisme d’Angel Gurría. Nous sommes dans une crise grave des économies développées, qui se sont reposées sur un endettement bien trop élevé. Et les banques, fournisseurs de la dette, sont en quelque sorte le symptôme des déséquilibres qui apparaissent aujourd’hui au grand jour. Nous assumons notre responsabilité dans cette crise, mais nous faisons aussi partie de la solution. Raisonnons à l’échelle de l’économie mondiale. L’une des questions clefs, pour l’avenir de la croissance mondiale, c’est l’acheminement des réserves d’épargne vers les besoins de financement. Des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie vont devoir investir chaque année des centaines de milliards de dollars dans leurs infrastructures, et ils ne pourront pas le faire seuls. Je ne vois pas qui mieux que les banques et les marchés financiers pourront les y aider. Trouver comment financer efficacement la croissance, de manière sûre pour ceux qui épargnent et en aidant les économies à créer de la richesse, tel est le vrai enjeu, qui nous projette bien au-delà de la crise de la zone euro.
©Société Générale. Pour l’intégralité de cet entretien, voir « Conjoncture et stratégie : Regards croisés »,
Rapport d’activité et de dévelooppement durable 2011-2012, Société générale, France.
Voir aussi De la crise à la reprise : Causes, déroulement et conséquences de la Grande Récession
Et consulter La récession européenne ralentit l’économie mondiale, selon l’OCDE
©L’Observateur de l'OCDE N˚ 293 T4 2012
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