Le principal atout d’un pays est sa main d’œuvre, et la Norvège, riche de son pétrole, n’échappe pas à la règle. Priorité est donnée aux politiques durables permettant de réduire le chômage et d’élever le taux d’emploi des femmes, des hommes et des jeunes; le financement de l’État providence repose sur la population active.
Ces cinquante dernières années, dans la plupart des pays de l’OCDE, l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail a été la clé de leur indépendance économique. Elles ont ainsi pu développer et utiliser leurs compétences professionnelles. L’emploi des femmes est aussi indispensable à la performance économique, et le sera plus encore dans les années à venir, le vieillissement de la population représentant une charge croissante pour les finances publiques. Les montants consacrés aux retraites ainsi que les dépenses de l’État en soins de santé augmenteront. Le problème sera aggravé par un taux de natalité faible, moins d’actifs devant payer pour davantage de retraités. La solution passera par une participation accrue au marché du travail et un allongement des carrières. Outre la réforme des régimes de retraite, nombre de pays estiment désormais nécessaire de recourir au travail féminin, largement sous-utilisé.
Ces pays sont confrontés à un double défi : accroître à la fois l’emploi des femmes et le taux de natalité. Pour encourager les mères à retrouver du travail, la Norvège et les autres pays nordiques ont mis en œuvre des politiques permettant de concilier travail et vie de famille.
Dans les années 1950 et au début des années 1960, en Norvège, la femme au foyer représentait un idéal. Toutefois, depuis le début des années 1970, nous sommes passés de 44 % à 76 % de femmes actives entre 15 et 64 ans. Environ 83 % des femmes avec des enfants en bas âge travaillent. Le taux de fertilité a augmenté en même temps que le nombre de femmes actives, passant de 1,75 enfant par femme à la fin des années 1970 à 1,9 enfant aujourd’hui – l’un des taux de fertilité les plus élevés en Europe.
Il y a plusieurs raisons à cette évolution. D’abord, le nombre de femmes actives a augmenté à une époque de demande croissante de main-d’œuvre, en même temps que leur niveau d’études connaissait un essor remarquable. Deuxièmement, l’emploi des femmes a été facilité par un vaste système d’allocations parentales et de crèches subventionnées, au nombre de 280 000 aujourd’hui, accueillant près de 90 % des enfants entre 1 et 5 ans. Les congés parentaux pour les salariés sont financés par des fonds publics, et sont passés de 12 semaines il y a 30 ans à 47 semaines aujourd’hui. Les parents ont également droit à un congé rémunéré pour garder un enfant malade, ainsi qu’à un temps partiel jusqu’aux 12 ans du plus jeune enfant.
À maints égards, l’État providence a rendu possible l’arrivée des femmes sur le marché du travail, mais l’effort de travail des femmes elles-mêmes a été une condition préalable au développement de l’État providence. Les travailleurs sont aussi des contribuables, et l’augmentation de leur nombre accroît les recettes fiscales, qui peuvent être affectées en partie au développement des services publics, et donc à la création d’emplois pour la prestation de ces services. Ils permettent à un plus grand nombre de femmes de travailler, par exemple en libérant la famille de la garde des enfants et des soins aux personnes âgées, pour les confier aux services publics.
Je suis convaincu que le travail des femmes a apporté d’importants bénéfices économiques à la Norvège. En premier lieu, disposer d’une main-d’œuvre masculine et féminine, plutôt qu’exclusivement masculine donc diminuée de la moitié des talents potentiels, a permis des gains de productivité. Deuxièmement, l’accroissement de la main-d’œuvre féminine a entraîné des gains de productivité grâce à une plus grande spécialisation. Enfin, les femmes ont gonflé la population active à un moment où la durée moyenne du temps de travail par employé baissait. La réduction du temps de travail s’explique en partie par une plus grande prospérité – les priorités personnelles ont changé puisqu’il n’est plus nécessaire de travailler autant pour gagner sa vie. Mais l’arrivée des femmes a permis de maintenir le volume de travail et donc la croissance. Cela contribue largement à élever le revenu national.
D’ailleurs, si la proportion de femmes actives en Norvège était ramenée à la moyenne OCDE, la richesse nationale nette diminuerait, les autres paramètres restant inchangés, de l’équivalent de nos revenus pétroliers totaux, comprenant les actifs du Fonds public pour les retraites (GPG, anciennement fonds pétrolier). Ce calcul part de l’hypothèse que le pourcentage de femmes employées à temps partiel ne change pas.
La population active en Norvège est l’une des plus élevées de l’OCDE. Toutefois, la durée du temps de travail annuel moyen pour les travailleurs âgés de 15 à 64 ans est relativement faible, et bien inférieure à celle de la Corée, par exemple. Mais il faut aussi voir que, sans nos horaires de travail relativement réduits ni la possibilité du travail à temps partiel, les barrières à l’emploi des femmes auraient été bien plus importantes. La Norvège doit maintenant inciter la population à passer du temps partiel au plein temps. Grâce aux prestations familiales et aux modes de gardes mis en place, nous estimons que cet objectif est à notre portée.
L’expérience de la Norvège n’est pas forcément facile à transposer dans d’autres pays. Mais la plupart des pays de l’OCDE doivent relever le même défi, à savoir exploiter davantage tout le potentiel de la population active.
Références
Voir le site du ministère des Finances : www.regjeringen.no/en/dep/fin.html
Voir aussi www.oecd.org/fr/norvege et www.oecd.org/fr/social/femmes-developpement/
La Norvège présidera la Réunion du Conseil de l’OCDE au niveau des ministres de 2013, les 29 et 30 mai.
©L’Observateur de l'OCDE N˚ 293 T4 2012
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